Re-cycle (Gwai Wik)

Re-cycle (Gwai Wik)

Les frères Pang lâchent la bride de la créativité en osant une variation personnelle sur le thème des esprits. Se jouant des codes du genre et du spectateur, bienvenue dans une invitation onirique rare.

Oxide Pang et Danny Pang, désormais mondialement reconnus pour leur thaïllandais The Eye, qui au même titre que nombre de métrages fantastiques asiatiques, fit l’objet d’un remake formaté pour l’occident, revenait en 2006 avec un nouveau film HK cette fois-ci. Bien décidés à se démarquer semble-t-il de l’étiquette trop facilement collés de réalisateurs de films de fantômes. Car si le genre a connu une période faste  au début des années 2000 faisant suite au Ring d’Hideo Nakata, il a en 2006 bien mauvaise réputation auprès de certains critiques et de la majorité des spectateurs, pour qui la sauce d’une jeune japonaise aux cheveux longs qui lui cachent le visage ne prend plus.

Pourtant, Re-cycle (Gwai Wik en VO), n’appâte pas le chaland comme il faudrait dès les premières séquences. Angelica Lee, déjà tête d’affiche sur The Eye, incarne ici une jeune romancière à succès, Ting-Yin, dont le dernier bouquin traitant d’un amour difficile vient d’être porté à l’écran. C’est lors d’une conférence de presse que son éditeur annonce qu’elle est déjà à pied d’oeuvre sur l’écriture du suivant, se penchant dorénavant sur le monde des esprits. Ting-Yin, comme beaucoup d’autres écrivains, puisent dans ses expériences et son vécu pour écrire, et c’est assez perturbée qu’elle ressort de son dernier livre, où sa relation difficile avec son ancien compagnon marié, source principale de son inspiration, est toujours présente dans son quotidien. En abordant son nouveau roman, celle-ci s’aperçoit peu à peu que c’est désormais la réalité qui s’inspire de sa fiction, de multiples phénomènes surnaturels survenant de la même façon qu’elle les couche sur le papier…

Si les récits où les textes d’un écrivain prennent vie pour venir le hanter sont assez courants (on pense par exemple à l’excellent L’antre de la folie de Carpenter, ou au moins bon Secret Window avec Johnny Depp), ils m’inspirent généralement la confiance puisqu’ils sont souvent une bonne excuse pour débrider l’imagination des scénaristes et permettre de créer ce que j’aime à appeler de bons « films de cauchemars ». Pourtant Re-cycle démarre mal, car même si la mise en scène des frères Pang sait y faire lorsqu’il s’agit d’apparitions et d’esprits (pour le coup la scène de la mamie et de la gamine dans l’ascenseur est digne d’un Fatal Frame selon moi), la recette est éculée et on a très vite l’impression de se retrouver pendant le premier tiers du film devant un énième film de fantômes chinois aux cheveux longs.

Et bien, malheureux celui qui arrêterait le métrage de rage à ce moment là. Je soupçonne fortement les frères Pang d’avoir justement joué avec le spectateur. Petit à petit, le film s’écarte, et grand bien lui fasse, des clichés du genre, grâce à un twist scénaristique qui permet à Ting-Yin et au spectateur de rentrer dans un monde onirique du plus bel effet. Les effets numériques sont là et crachent les dollars tout respectant une vision, tantôt gothique, tantôt poétique, d’un monde où toutes les mémoires oubliées persistent. Et c’est là le tour de force qui relèvent la barre du film au-delà de juste la moyenne, lui réservant une place bien méritée dans votre filmothèque.

Certes, en allant piocher dans diverses sources d’inspirations (Silent Hill, La trilogie des morts-vivants, Terry Gilliam…), cette débauche de fantaisies digitales pourraient sembler bien vaine, si son approche se résumait à présenter des très beaux tableaux d’un point de vue esthétiques. Mais les frères Pang se servent de ce médium visuel étonnant pour délivrer un message plutôt poignant sur la facilité que  la société contemporaine a à se délier de souvenirs encombrants. Discours important d’autant plus en Asie, où l’importance des aïeux est bien plus prédominante qu’en occident. Le discours devenant même un véritable spot anti-avortement dans une séquence particulièrement perturbante, où l’on pourra assister à l’assez-gore piétinement d’un foetus. Gasp.

4

Après visionnage, Re-cycle fait penser assez à ces films qu'on aime avant tout pour leur incroyable créativité visuelle, comme The Cell par exemple. Si en plus de cela on y ajoute une pointe de discours pas si con, il serait dommage de se priver.
13 février 2010 by Freakmaster

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